Extrait de la décision n° 14-D-04 du 25 février 2014 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des paris hippiques en ligne – L’Autorité de la concurrence.
Le secteur des jeux d’argent et de hasard a longtemps été structuré autour de monopoles, confiés par la loi à La Française des Jeux (FDJ) pour les jeux de grattage et de tirage (et les paris sportifs), au PMU pour les paris hippiques et aux casinos pour les jeux de cercle. Considérant que de tels monopoles étaient contraires au principe de libre prestation des services, fixé par l’article 56 du TFUE, la Commission européenne a, par un avis motivé du 27 juin 2007, officiellement demandé à la France d’ouvrir ce secteur à la concurrence.
La loi du 12 mai 2010 a donc organisé une ouverture à la concurrence dont les conditions et les enjeux ont été longuement analysés par l’Autorité dans son avis n° 11-A-02 du 20 janvier 2011. Dès lors, seuls les points essentiels de cette loi seront rappelés ici :
– une ouverture limitée : seuls les paris hippiques, les paris sportifs et les jeux de cercle en ligne ont été ouverts à la concurrence. Les monopoles de la FDJ et du PMU ont été maintenus sur les paris sportifs et hippiques « en dur » ainsi que sur les jeux de grattage et de tirage en ligne et « en dur » (de même, les jeux de casino ne sont pas autorisés en ligne). Seuls certains types de paris hippiques et de paris sportifs sont autorisés. Enfin, pour les paris sportifs, un « droit au pari » est dû par les opérateurs aux organisateurs de manifestations sportives ;
– une ouverture strictement encadrée : les opérateurs en ligne doivent être préalablement agréés par l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) créée par la loi précitée. Cet agrément est subordonné au respect de nombreuses obligations en matière de protection du joueur, de sécurité des opérations de jeu et de lutte contre la fraude et le blanchiment d’argent ;
– une fiscalité élevée : les prélèvements fiscaux et sociaux sur les paris hippiques et sportifs en ligne sont assis sur les mises et non sur le produit brut des jeux (PBJ). En outre, les taux de ceux-ci sont plus élevés que ceux pratiqués dans les autres États membres, en particulier pour les paris hippiques qui supportent une redevance spécifique de 5,6 % destinée à financer la filière équine française ;
– des dispositions contraignantes : la loi a imposé aux opérateurs de paris en ligne de justifier, lors de leur demande d’agrément, que les ouvertures de comptes joueurs ont été postérieures à l’agrément, les obligeant ainsi à « remettre à zéro » l’ensemble des comptes préalablement ouverts auprès des joueurs français. Or, le PMU comme la FDJ ont été dispensés d’une telle « remise à zéro ». Enfin, la loi a plafonné le taux de retour aux joueurs (TRJ). Fixé par décret à 85 % des mises, il limite la concurrence par les prix et, par voie de conséquence, l’attractivité des offres des nouveaux opérateurs qu’il empêche de mener une politique commerciale agressive, l’objectif de la loi étant notamment de limiter les risques d’addiction.
Malgré son intitulé, la loi du 12 mai 2010 ne visait donc pas tant à ouvrir à la concurrence le marché français des jeux d’argent et de hasard en ligne qu’à légaliser pour mieux la contrôler une offre illégale à destination des joueurs français dont la prolifération constituait une menace pour l’ordre public, la santé publique et les ressources fiscales de l’État. Comme l’Autorité le relevait dans son avis précité, « en comparaison de l’ouverture à la concurrence d’autres secteurs économiques, tels que les secteurs des communications électroniques, du gaz ou du transport ferroviaire, le dispositif adopté pour les jeux d’argent et de hasard en ligne ne procède pas d’une libéralisation, mais avant tout d’une volonté de régulation visant à encadrer une activité déjà existante, exercée dans l’illégalité ».
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